jeudi 25 novembre 2010

Les hommes qui s'en vont ne sont pas suaves...

Le tournage d'"Une étoile est née", version Cukor 1954, mériterait à plus d'un titre d'être porté à l'écran. Pratiquement maudit dès sa mise en route, le film connut au cours de sa fabrications les plus invraisemblables complications, qui se poursuivirent par une sortie hasardeuse en raison de droits originaux bloqués, un remontage sauvage le lendemain même de sa première par les producteurs, qui l'amputèrent d'un tiers et la perte des scènes coupées, qui réapparurent mystérieusement, presque intégralement, au début des années 80.

La péripétie la plus spectaculaire que subirent l'équipe et les comédiens fut la décision de Jack Warner d'arrêter le tournage après quelques semaine et de retourner toutes les scènes déjà en boite en CinemaScope et en EastmanColor. Procédé fraîchement débarqué, le CinemaScope s'annonçait, en 1953, comme la révolution, capable de ramener les foules dans les salles qu'elles avaient délaissé au profit de la télévision. Que personne ne le maîtrise encore ne fut visiblement pas un problème, on embaucha un technicien de la Fox, détentrice du brevet et on repartit de zéro.

George Cukor fit donc son apprentissage de l'image large sur le terrain, repensant la nuit sa mise en scène du lendemain et cherchant désespérément à occuper cet écran désormais immense. "The man that got away", séquence emblématique du film et chanson qui allait enfin permettre à Judy Garland de chanter autre chose que "Over the rainbow" en final de ses concerts, servit de test au nouveau format et à la nouvelle pellicule couleur. Pas moins de 6 versions furent tournées, entre octobre et novembre 1953, en Technicolor, en EastmanColor, en WarnerColor, en format classique, en WarnerScope et en CinemaScope.Certaines prises étaient trop brillantes, d'autres trop sombres, des costumes ne convenaient plus et la mise en scène devenait obsolète à chaque changement. Il reste aujourd'hui 2 prises complètes, en plus de la version montée. Elles nous permettent de découvrir une Judy rose et une Judy beige alors que nous la connaissions en bleu. Une seule chose ne change pas : quelque soit la couleur, les hommes qui s'en vont ne sont vraiment pas suaves.






Aucun commentaire: