dimanche 11 novembre 2012

Les très suaves heures de l'Histoire contemporaines : le jour où Audrey rencontra Hubert.





















Durant l'été 1953, Audrey Hepburn va faire la connaissance d'Hubert de Givenchy et cette rencontre va donner naissance, non seulement à une amitié indéfectible, qui ne prendra fin qu'avec la disparition de l'actrice en 1993, mais surtout à une collaboration qui les a fait entrer tous les deux dans n'importe quel musée de la mode qui se respecte. 

L'histoire est lisible à peu près partout : croyant être sur le point de rencontrer Katharine Hepburn, Givenchy, en pleine collection, se retrouva devant Audrey, une inconnue (pour lui en tout cas) de 24 ans qui lui demanda une poignée de robes pour son prochain film, la romance "Sabrina" de Billy Wilder. Les robes contribuèrent au succès du film, Givenchy se fit connaître aux USA et Audrey consolida son image de page de Vogue qui marche. C'est une très belle histoire... un peu trop belle pour être totalement exacte en ces quelques termes... c'est notre histoire du dimanche.






















Un détail de cette légende nous a à vrai dire toujours un peu chiffonné : qu'Hubert de Givenchy, ancien styliste de Schiaparelli et depuis 52 propriétaire de sa propre maison, l'une des plus courues en 1953, ait aussi facilement cédé des modèles d'une collection à venir à une totale inconnue. Car c'est pratiquement ce qu'était Audrey Hepburn au printemps 1953. 

Elle venait, certes, de tourner "Vacances romaines" pour la Paramount mais le film n'était pas encore sorti, elle avait été "Gigi" à Broadway le temps d'une saison et d'une tournée et n'avait en France égayé de sa présence qu'un seul film, "Nous irons à Monte-Carlo", déclinaison de "Nous irons à Paris" produit et mettant en scène Ray Ventura et son orchestre. Elle est septième sur l'affiche.



















En 1953, Audrey Hepburn allait devenir une star mais ne l'était pas encore et à priori Hubert n'était pas médium. La question qui s'élève est donc "Pourquoi ?". La réponse tient en un mot :  "Paramount". 

Le visionnage du premier montage de "Vacances romaines" avait tant persuadé les dirigeants de la Paramount qu'ils tenaient en Audrey quelque chose de neuf qu'ils lui avaient aussitôt fait signer un contrat de 7 ans. Son prochain projet devait être "Sabrina" et comme on ne lâche pas une novice seule dans la nature, elle allait donc, pour son second film hollywoodien, être entourée de valeurs sûres : Bogart et William Holden, comme Gregory Peck assurait la touche "Star" de "Roman Holiday".














Question bassement financière mais terriblement hollywoodienne : doit-on dépenser de l'argent pour une comédienne dont on ignore encore si elle va séduire le public ? Reformulons encore plus crûment : comment s'assurer qu'un investissement va être rentable ? Seule solution possible : minimiser les sommes dès le départ !

On demanda donc à Audrey, qui dans le film subit une métamorphose vestimentaire après un exil à Paris, d'utiliser pour les scènes où elle apparaît d'un chic parisien irrésistible, sa propre garde-robe. Mais afin de contrôler son image, on lui fit parvenir, avec l'accord de la costumière Edith Head, une liste très précise de ce qu'elle devait porter : un tailleur de voyage avec un chapeau très français, une robe de cocktail foncée et une robe de soirée renversante. Les vêtements ne seraient pas achetés par le studio et ne seraient pas crédités au générique, ils devraient être payés par l'actrice. Et elle profiterait d'une halte à Paris en route vers Hollywood pour faire ses emplettes.



















Edith Head indiqua tout d'abord à Audrey qu'il serait de bon ton qu'elle s'adresse à Balanciaga qui, très occupé, la dirigea vers Givenchy. C'est donc pour cette raison que la comédienne fit son entrée dans le salon du couturier de la plaine Monceau, contrainte et forcée de dépenser une partie de son cachet de "Vacances romaines" pour ne pas être ridicule dans "Sabrina".

Heureusement et comme nous le savons, la collaboration fut un succès, grâce, donc, à ces trois achats :

Tailleur de voyage et chapeau très français

Robe de cocktail

Robe de soirée renversante














































De "Sabrina", on retiendra la prestation surprenante de Bogart qui au départ haïssait le film et son rôle, la torride liaison entre Audrey et William Holden qui envisagea un temps de quitter femme et enfants pour elle et une robe, qui ne laissa pas les affichistes du monde entier indifférents.




















Comme convenu par contrat, Hubert de Givenchy n'apparut pas au générique du film et Edith Head reçut un oscar pour les robes qu'elle n'avait pas créees, redessinant tout de même pour ses archives les créations de Givenchy et y ajoutant sa signature, roublardise habituelle de la femme aux 8 oscars et aux inamovibles lunettes qui fut dévoilée par Hubert lui-même après le décès de la costumière.


La robe cocktail Givenchy devenue une création Head.





























Furieuse, la légende prétend qu'Audrey exigea dorénavant que Givenchy ne soit plus jamais laissé dans l'ombre et signe toutes ses tenues. Ils feront ensemble 6 films et une robe, LA robe, qui continue encore aujourd'hui de donner des envies de diamants sur canapé. Et tout ça grâce à la pingrerie de la Paramount.



















Pour une fois qu'il est suave d'être près de ses sous... 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

En même temps, un grand couturier ne pouvait qu'être envouté par la Madone des anorexiques !!
Pruneauxyz.