mercredi 20 février 2013

La question du jour : la toile "American Gothic" est-elle suave ?






















Réalisée en 1930 par le peintre Grant Wood, la toile "American Gothic" est en quelque sorte la Joconde américaine. Achetée, dans l'année qui suivit son premier accrochage, du bout des doigts par l'Art Institute de Chicago, elle est aujourd'hui l'une des oeuvres les plus connues au monde et sans doute, réflexion exempte de tout anti-américanisme forcément primaire, la seule peinture qu'un étatsunien soit capable de reconnaître... avec "Le cri" de Munch depuis Scream 1, 2, 3 et 4. 

Si on l'observe de près, la toile est un rien austère : une grange, une maison, une fourche, on n'est pas loin de "Si j'avais un marteau...". Le couple représenté est tout autant riant : une homme et son épouse ? un père et sa fille ? En tout cas, définitivement des pèlerins, sortis, le temps de la pose, respectivement de leur cuisine et de leur champ, ce qui semble cohérent de la part d'un peintre du Middle West. 


















Un simple détour dans n'importe quel livre d'histoire de l'art vous apprendra que l'inspiration vint à Grant Wood lorsqu'il découvrit la maison de la toile (non, ce n'est pas une église) dans la petite ville de Eldon dans l'Iowa et entreprit de la représenter, agrémentée des gens qu'il imaginait vivre entre ses murs. Et pour cela il fit appel à son dentiste et à sa soeur, qui jusqu'à sa mort en 1990, clamera que son frère l'avait atrocement vieillie et qu'en aucun cas elle ne pouvait être l'épouse de ce vieil homme. 

Rions de cet accès de sensibilité : Grant, en les peignant, fit entrer sa soeur et son dentiste dans l'Histoire et si on se bat encore aujourd'hui pour savoir si "American Gothic" est un hommage ou une satire de l'Amérique rurale, la culture pop semble ne pas en avoir grand chose à faire. Parodiée jusqu'à la trame, la toile est aussi iconique que la Statue de la Liberté ou Mickey. Illustrations :




















On aura beau remplacer les personnages par des Lego ou des Muppets, faire des clins d'oeil à l'oeuvre au cinéma ou la télévision, pour répondre à la question du jour, il semble quand même bien compliqué de voir la moindre trace de suavitude dans "American Gothic". 

A moins que...  l'arrière plan... cette maison... aux fenêtres donnant tout son sens au "Gothic" du titre... Croyez-nous, suaves visiteurs, cette maison, c'est en fait là que tout se passe. 















Comme nous le précisions, la maison de "American Gothic" existe bel et bien, ce dont n'en finissent pas de se réjouir les 900 habitants de Eldon, Iowa. Un temps affublée d'un opéra et relativement active, la ville de Eldon et son centre-ville sont aujourd'hui un appel à la virée shopping. On y trouve un café, une caserne de pompiers classée aux monuments historiques et les ruines de l'immense maison que s'y fit construire l'actrice Roseanne Barr avant d'arrêter les travaux et divorcer. 

Conscients que la maison originale pouvait être une attraction touristique, les habitants de Eldon s'unirent dans les années 90 et décidèrent de faire construire à proximité un charmant "Visitor center" dont la principale activité est de louer fourches et salopettes afin de permettre aux curieux de se faire photographier in situ. 

























Notons qu'il n'est pas imposé de louer les accessoires et les costumes. Et déjà le degré de suavitude monte franchement. Mais quid de l'intérieur de la maison vous dîtes-vous ? Peut-on au moins la visiter ? En fait : oui et non, disons que l'on peut y pénétrer mais pas en faire le tour, pour la simple et bonne raison qu'il s'agit encore d'une résidence privée dont seul l'entretien extérieur est à la charge de l'Etat de l'Iowa. Mais on peut donc tout de même y entrer ? Absolument, et c'est là que la suavitude s'envole. 

On peut pousser la porte de la maison de "American Gothic" pour la seule et l'unique raison qu'elle abrite une boutique de tourtes.


















Ouvert chaque fin de semaine entre mai et septembre pour la vente de tourtes, mais le reste de l'année du lundi au jeudi pour des stages de tourtes, le "Pitchfork Pie Stand", autrement dit un "comptoir des tourtes" est dirigé par l'intrigante Beth Howard, ancienne journaliste et responsable relations publiques à Los Angeles qui quitta tout en 2001 pour se consacrer à la tourte. 

Comment peut-elle habiter la "American Gothic House" ? Mystères. C'est en tout cas de là qu'elle dirige sa société, a écrit son autobiographie "Comment la tourte sauva ma vie", s'occupe de deux sites web et développe un projet de série tv autour de... la tourte. Rien de gothique dans tout cela mais une histoire ô combien américaine et franchement suave. Et la possibilité pour nous d'écrire le mot "tourte" autant que nous le pouvions en moins de 10 lignes, ce qui va nous faire jusqu'à la fin de la semaine. Tourte ! 




2 commentaires:

Fabrice a dit…

"Comment la tourte sauva ma vie", difficile de faire plus suave...

soyons-suave a dit…

Nous avons un peu réarrangé le titre original qui est légèrement moins suave "Une histoire d'amour, de deuil et de tourtes" mais "Comment la tourte sauva ma vie" en est bien la description par l'auteur elle-même ;)