dimanche 24 février 2013

Les très suaves heures de l'histoire contemporaine : le jour où on regretta un casting sauvage.

































Le 27 septembre 1975, le corps de Mark Frechette fut retrouvé dans la salle de sports de la prison de Norfolk dans la Massachusetts. Frechette y purgeait une peine de 15 ans pour avoir tenté de voler une banque. Un détenu le retrouva sans vie sous une haltère, la trachée écrasée et mort d'asphyxie. On en déduisit une séance de musculation ayant mal tourné. Il avait 27 ans. 

Cinq ans auparavant, Frechette était en couverture de Rolling Stones, de Look magazine, il était à la télévision et surtout dans les cinémas, star du premier et seul film américain réalisé par Antonioni : "Zabriskie point". 























Disponible depuis 2008 en dvd, il a été très difficile pendant de longues années de voir le film d'Antonioni, réalisé juste après le triomphe de "Blow up", ce qui a sans doute contribué à la canonisation de Mark Frechette comme icone de la contestation américaine période Black Panther / Guerre du Vietnam / LSD / Pink Floyd.

A la voir aujourd'hui, on reconnait indubitablement que Mark Frechette était très cinématographique, autant d'ailleurs que sa partenaire Daria Halprin avec laquelle il détrôna facilement John et Yoko comme couple hippie de référence. On s'aperçoit aussi que sa palette dramatique, naturelle, était un peu, comment dire, limitée, brute serait finalement plus juste, et guère aidée par un scénario allant de l'étrange au n'importe quoi. 





















Mais Mark Frechette n'était pas un acteur, pas plus que Daria, il était une incarnation antonionienne de la jeunesse de l'époque, c'est à dire en colère et n'aspirant qu'à faire l'amour dans des dunes de sable. 

Selon la légende aujourd'hui reconnue comme version officielle, Mark aurait été repéré par un assistant d'Antonioni alors qu'il hurlait "Va te faire enculer" à un coin de rue de Boston à une femme à laquelle il jetait en même temps un pot de fleurs. Il était dans le civil charpentier, marié, père de famille et n'aspirait qu'à intégrer une communauté dont le gourou, auto-proclamé nouvelle incarnation de Jésus sur terre, ne voulait pas lui. 



















"Voilà le personnage" s'écrièrent l'assistant et Antonioni. Et c'est ainsi, avec également à la clef la promesse d'un cachet de 60 000 dollars, que Mark Frechette hérita du rôle de... Mark, qui dans "Zabriskie Point", délaisse ses études, vole un avion et est abattu par la police alors qu'il vient le rendre à son propriétaire. Entre temps, Mark a batifolé à Zabriskie Point (c'est dans la Vallée de la Mort) avec Daria qu'il a séduit en volant au-dessus de sa voiture alors qu'elle roule dans le désert. 

Ils ont fait l'amour dans les dunes pendant 12 minutes, éveillé par leurs ébats des esprits lubriques qui les ont rejoints pour une "orgie", peint l'avion volé de symboles de paix et se sont séparés. 










Tournant dans la foulée deux films en Italie, Mark se représentera au gourou qui l'avait éconduit et qui cette fois l'acceptera, lui et son offrande de 60 000 dollars à la communauté. Pendant deux ans il ne fera pas grand chose jusqu'à ce qu'il lui semble logique, avec deux autres membres, d'aller cambrioler une banque, ce symbole de la pourriture qui gangrène l'Amérique. 

Armés de pistolets sans munition, le hold-up tournera mal : un des membres est tué par la police (comme dans Zabriskie Point, Antonioni était un visionnaire...) et Mark est arrêté. Jugé en 73, il meurt en 75. 









Tout cette histoire met en garde les réalisateurs désireux de se livrer au casting sauvage, aussi dangereux qu'incertain. C'est incertain pour la production : le film sera un échec cuisant pour Antonioni et la MGM qui croyait tenir là son succès de société. C'est dangereux pour les individus castés : nous vous rappelons que Mark Frechette est mort. 

Conscients que la belle histoire du dimanche est un peu sombre, nous vous proposons des chatons dans le cadre de la ballade dominicale, afin d'apporter une sorte d'équilibre à la suavité de cette deuxième journée de "Soyons-Suave weekend". Et c'est important l'équilibre. Tout est finalement une question de mesure, non ? 

3 commentaires:

Anonyme a dit…

quelqu'un qui balance des pots de fleurs sur des bonnes femmes ne peut pas être complètement mauvais

soyons-suave a dit…

On ne peut pas non plus parler d'un ami de la flore...

Anonyme a dit…

Jean-Pierre Léaud n'a-t-il pas également été accusé de balancer un pot de fleurs sur sa voisine dans le temps ?